jeudi 15 décembre 2005

Chroniques d'Iran

"Ici l’alcool est quasi-inexistant, le sexe n’existe pas non plus en
dehors du mariage - et après on se le demande - et la musique se résume
au bruit des moteurs. Pour vous citer la soirée iranienne idéale -
c’est du vécu - : une dizaine de sexagénaires assis en rang d’oignons
écoutant un pauvre ère tapotant d’un doigt sur son clavier électronique
et braillant des poèmes d’Hafez – illustre poète mais mort depuis
longtemps - dont je ne comprends rien et dont l’ésotérisme semble tout
aussi insondable pour mes hôtes.
Alors que vous dire de l’Iran ?
D’abord la vision caricaturale :
Nous sommes ici sur Gala, planète extraterrestre aux mains de la force
obscure. Car il n’y a pas un Dark Vador, mais des centaines, qui
déambulent dans les rues. Il n’y a pas non plus un seul Luc Skywalker
mais des milliers, à la recherche du Saint-Graal : le sexe. Mais
l’épreuve ici est bien plus compliquée que dans le film en question.
L’épreuve, c’est le mariage.
Évidemment, une telle épreuve nécessite un entraînement psychologique
adéquat. Alors notre brave Luc Skywalker, dont la traduction farsi est
plutôt Reza ibn Hossein Mahmoud, s’entraîne à la conduite de son
véhicule interstellaire, une Paykan des plus récentes –construction
1970- en préparatif de la course ultime, celle du jeudi soir, où la
vitesse peut atteindre 50 km/h si le moteur ne s’est pas étouffé lui
même dans sa propre pollution.
Nos jeunes aventuriers sortent en groupe, pour se donner du courage.
Après quelques beuveries au Coca Cola, ils osent enfin affronter Dark
Vador au détour d’une promenade au bord de la rivière. Mais là, ô
surprise, Dark Vador est un petit malin. Il se planque partout. Alors
notre jeune héros se prend à rêver : « Serait-il enfin possible de
manier un peu mon glaive ?...». Mais que nenni, la loi de la force
obscure - en Iran on dit le Chiisme- c’est d’attendre.
Gorgé de testostérone, notre vaillant aventurier n’en peut plus des
scènes de combats épiques sur les chaînes XXL qu’il capte par satellite
et s’apprête à commettre l’irréparable : s’arranger avec l’empereur, le
père de Dark Vador - mais je vous dévoile déjà le nouvel épisode qui
sort l’année prochaine- pour organiser un duel définitif : le mariage.
Et comme dans le film, Dark Vador a bien le même physique à quelques
protubérances près. Fin de la triste histoire, mais qui ressemble à si
méprendre à la vie des jeunes adultes en Iran.
Maintenant,  une vision plus réaliste :





L’Iran est un beau pays avec son histoire qui compte mais un urbanisme
dénudé qui l’a profondément enlaidi. Il a quelques perles
architecturales (la place de l’Imam à Ispahan, les Riyads de Kashan…)
souvent perdues dans des lots de bâtiment grisâtres de pollution.

Restent des paysages naturels sympathiques, de nombreuses montagnes, des endroits verdoyants et de déserts à perte de vue.

Le peuple iranien ? Mon avis est partagé, n’en déplaise à mes amis locaux.

Il y a les bons côtés : les Iraniens sont courtois, raffinés et leur hospitalité est un mode de vie.

Et de mauvais côtés : ils ont une arrogance toute française, ils sont
un peu fiers d’eux mêmes, manquent d’humour et de second degré. Ne vous
essayez pas au sarcasme, ils le prendraient mal. Petit exemple : dans
un restaurant, avec des amis loacaux, le serveur me demande si je ne
suis pas déjà venu en Iran. Je lui réponds que si, mais la dernière
fois j’étais un espion, donc difficile de me reconnaître. Énorme flop !

Quand à discuter avec le commun des mortels, l’impression qui s’en
dégage est ambiguë : d’un côté, les Iraniens se considèrent comme un
des centres du monde et veulent être considérés sur un pied d’égalité
avec les grandes puissances. De l’autre, ils se plaignent
perpétuellement que rien n’avance chez eux, qu’ils sont en retard…sans
pour autant se bouger. Aux dernières élections, le taux d’abstention a
battu des records et les Iraniens se demandent encore comment un
inconnu débile à pu accéder à la présidence de la république.

Difficile de savoir sur quels pieds les prendre ! Le sentiment est
qu’ils vivent une grande frustration qui s’exprime à tous les niveaux :
un cloisonnement difficile entre sexes et génération, un manque
d’emploi, un décalage avec le reste du monde.[..]

A Kashan, je me suis fait invité à déjeuner dans une famille locale,
genre un peu Groseille fortunés ou plutôt la famille de Carlos. A un
moment donné le père s’est mis à faire la sieste devant moi, puis on
m’a gentiment remercié et fait promettre que j’enverrai mes superbes
clichés. [..]"

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