lundi 14 mars 2005

Le terrible paradoxe de l’information gratuite

Que veut dire NEWS ? « Not Ever Willing To Spend »… Pas qestion de payer (pour lire des news on line). C'est la nouvelle blague entre happy few...
Oui, mais…
L’information générale n’est gratuite sur le web que parce qu’elle est payante sur le papier. Sinon, elle n’existerait pas.
Tel est le paradoxe auquel aboutit la lecture d’un article du New York Times (accès gratuit après enregistrement !).
Ce paradoxe se décrit en trois temps :
1. Aucun site de news n’a les moyens de se payer les ressources
journalistiques dont disposent les quotidiens papier. Ils
n’existeraient pas sans eux.
2. Ceux-ci sont confronté à un dilemme : la seule recette qui croit est
celle de la pub en ligne ; mais s’ils font payer l’accès en ligne à
leurs news, ils sacrifient leur audience donc leur recette pub et ils
perdent alors plus d’argent en pub qu’ils n’en gagnent en lecture
payante.
3. L’audience des sites de quotidiens offrant un accès on line gratuit
augmente très vite (+45% par an), en même temps que leur nombre
d’abonnés papier décroît lentement mais inexorablement et, là aussi,
ils perdent plus d’argent d’un côté qu’ils n’en gagnent
de l’autre.
Résultat : sur 1 456 quotidiens américains, un seul quotidien national,
The Wall Street Journal et 40 petits quotidiens seulement font payer
l’accès on line à leurs news.
Si quelqu’un a une solution, je suis preneur !
Pour ceux que çà intéresse en détail, voici ma traduction (rapide!) de cet article.




Les quotidiens peuvent-ils stopper la lecture gratuite on line ?
Par Katharine Q. Seelye
The New York Times, 14 mars 2005
« Les consommateurs sont prêts à dépenser des millions de dollars sur le web pour acheter de la musique ou jouer en ligne. Mais dès qu’il s’agit d’actualité, d’info, ils veulent bien la lire mais pas la payer.
Certains sites de quotidiens sont devenus si populaires que leur audience dépasse celle de la version papier. Les patrons de presse regardent avec anxiété leur nombre de lecteurs diminuer sur le papier et augmenter sur le web. Ils ont du mal à admettre qu’il leur faille donner du contenu gratuitement sur le web.
Cette migration de lecteurs est en train de transformer l’industrie de la presse quotidienne.  La pub en ligne ne compte encore que pour 2 ou 3% du chiffre d’affaire des quotidiens mais elle croît très vite. Alors que la marge de la pub sur papier est nettement plus forte.
Faut-il alors faire payer la lecture des infos sur le web ? Sur les 1 456 quotidiens américains, un seul quotidien national, The Wall Street Journal et environ 40 petits quotidiens le font. Les autres font payer certains types d’accès en ligne ou offrent des services supplémentaires à leurs abonnés en ligne.
Le New York Times va sans doute annoncer bientôt une initiative en ce sens. Le site en janvier 2005 avait 1,4 million de visiteurs uniques quotidiens. Sa diffusion papier était de 1,124 millions en 2004 contre 1,176 millions en 1993. Pour l’instant, le site fait payer les mots croisés, les alertes de news et l’accès aux archives.
En comparaison, le Wall Street fait payer 79 $/an l’abonnement on line qui comprend tout (39$ pour un abonné papier).
Faire payer le contenu on line est plutôt vu par les éditeurs comme une attitude défensive visant à contrer la lente érosion du nombre des abonnés papier. La croissance du nombre de lecteurs on line aurait tendance à se ralentir mais le temps moyen passé sur le site à augmenter. La lecture gratuite des sites de quotidien passe déjà par un processus d’enregistrement (adresse email) qui permettrait de basculer rapidement vers un processus payant, si on prenait la décision.
En 2004, selon Online Publishers Association, les internautes ont dépensés 88 millions de dollars dans la lecture de news on line, une progression de seulement 0,4% sur 2003, alors qu’ils ont dépensé 414 millions de dollars en loisirs, une progression de 90%.
La blague qui circule : le nouvel acronyme NEWS veut dire « Not Ever Willing To Spend » : pas question de payer.
Le site du Los Angeles Times fait payer 4,95 $ pour sa section « Calendar Live » qui couvre les loisirs, avec des listes et des critiques de restaurants, mais le trafic a diminué et il n’est pas certain que le paiement va continuer.
Le site du Chicago Tribne offre un programme « Avantages Abonnés » qu donne aux abonnés papier un accès libre on line aux archives et à un certain nombre de bonus.
Le problème est de savoir ce que les lecteurs sont prêts à payer sur le web. Les informations générales ? On en trouve tellement partout qu’il n’en est pas question. Le sport ? Peut-être si le web donne plus d’infos que le papier. Le Milwauker Journal Sentinel a un package annuel de 34,95 $/an pour suivre ses Green Bay Packers (leur équipe de foot), avec des blogs, des photos pour les fans et des extraits audios.
Mais la seule vraie croissance on line est bien celle de la pub : une croissance de 45% entre 2003 et 2004, d’après une étude sur 700 quotidiens, même si on s’inquiète par ailleurs du développement des logiciels filtrant la pub, comme TIVo pour la télé.
D’où le dilemme : si on fait payer l’accès on line aux news, on risque de faire diminuer l’audience on line donc la pub et on perdra plus d’argent qu’on en gagnera !...
Le cas du Wall Street Journal est quasiment le seul à offrir un contre exemple : 700 000 abonnés on line dont 300 000 uniquement web et 400 000 web et papier. Pour un total de 1,8 millions d’abonnés papier. Évidemment, la plupart des abonnements sont payés non par des individus mais par des entreprises. Néanmoins en limitant son audience web à des abonnés payants, le site limite aussi ses possibilités de pub. Le groupe a d’ailleurs dépensé 519 millions de dollars pour MarketWatch, le site de news financières, dans le but d’être plus attractif pour la pub on line.
Lorsque le Wall Street est passé en payant sur son site, le trafic a diminué des deux tiers. Puis il a redémarré à partir de 1997 jusqu’en 2000 : +35% d’abonnements au 1er trimestre 2000 par rapport au 1er trimestre 1999. Mais ensuite la croissance s’est considérablement ralentie : +2% seulement entre 2003 et 2004.
A une échelle plus petite, un autre journal qui fait payer l’accès on line est The Spokesman-Review, (Spokane, Washington) : une diffusion papier de 100 000 et environ 20 000 de ces abonnés papier accèdent gratuitement à la version online tandis que 545 personnes payent 7$/mois pour uniquement l’accès en ligne. Dès que l’accès est devenu payant, le trafic qui augmentait de 40% par an a stoppé sa croissance : en janvier 2005, il est de 5% inférieur à celui de janvier 2004. Et malgré cela, la diffusion papier a continué à décroître légèrement.
Le business modèle du quotidien papier est en train de décliner ce qui pose problème car c’est lui qui alimente le web : sans articles issus des quotidiens papier, les sites de news n’existeraient pas et ils ne pourraient supporter les coûts d’infrastructure nécessaires.à créer ces articles."

3 commentaires:

  1. Salut,
    Je suis en plein dedans ! Tout ça me rappelle un certain séminaire lors duquel deux intervenants exceptionnels avaient démontré que les qualités déclarées du web (ergonomie, facilité d'accès à l'information, etc.) étaient en fait avant tout des qualités... du papier ! (Luc, si tu retrouves ce travail d'Anicet et de Dider, il est toujours d'actualité à mon avis).
    Et pour ce qui est d'Ultrafondus, on cherche au maximum la complémentarité en donnant une info accessible, complète et rapide sur le site. Sur le mag, on joue à fond sur le graphisme, les longs reportages, un papier de qualité, etc. On martèle aussi régulièrement ce que tu dis : sans mag papier, pas de site ! Le message fonctionne, même s'il faut en user avec modération. Mais le gros avantage qu'on a, c'est qu'on est (ultra)spécialisés, les seuls sur notre domaine, et suivis par une communauté qui commence à bien nous identifier.
    Mais mon (petit) avis général sur le sujet, c'est que le web payant n'est pas une bonne idée. Dans chaque secteur et pour chaque type d'information, on doit pouvoir trouver des ressorts permettant de faire la promotion du papier sur le web. Une belle histoire, un beau reportage, une étude intéressante, dont les faits bruts sont exposés sur le web et dont le détail est ensuite publié sur papier peut encore fonctionner de nos jours.
    La question : est-ce que ça peut fonctionner si on continue à penser que les articles sur papier doivent être courts et éclatés avec force encadrés ? C'était la grande "découverte" des groupes comme Prisma mais aujourd'hui ce format ne peut plus faire concurrence au web. Donc, en attendant que la lecture numérique cannibalise définitivement le papier, faut y aller à fond sur les articles longs, détaillés, à l'iconographie soignée.
    Ouala pour un petit témoignage sans prétention. Celui des autres m'intéresse parce que, effectivement, vu le traffic qu'on a, on se demande par exemple s'il ne serait pas judicieux de commencer à proposer le mag en intégralité (mais payant), sur internet.
    A suivre...
    Phil
    www.ultrafondus.com

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  2. Personnellement je ne vois pas comment les journaux papier peuvent s'en tirer, heureusement que je ne représente pas la majorité.
    Je me présente : la trentaine, couché à 20heures dans mon enfance je n'ai pas le culte du JT de 20 heures que je ne regarde jamais (en tout cas pas plus de 2 minutes par mois), je n'achète ni journal, ni magazine.
    En revanche depuis 4 ans qu'au travail j'ai accès à internet et notamment aux infos en ligne, je vais lire (presque) quotidiennement les actualités.
    Sinon je ne souscris pas du tout à ce qu'est devenu (me semble t-il)le journalisme actuellement : la recherche du scoop et l'oubli de ce qui est "vieux" de plusieurs jours.
    Si on rajoute par dessus l'arrivée du quotidien "20minutes" c'est vraiment la bérézina pour la presse écrite.
    En écrivant je me rends compte qu'il y a tout de même 1 magazine que j'achète et que je lis : le journal ... des programmes de la télévision. En faisant passer un communiqué sur le référendum de la constitution européenne dans les programmes télé, je suis sûr qu'on limitera l'abstention.
    Une petite note d'espoir : depuis peu (2-3 mois),j'ai commencé à écouter France-Culture (10 minutes le matin en préparant le café, c'est pas non plus l'amour fou) et même à m'y intéresser, peut-être qu'à force je finirais par essayer de sauver la presse écrite en m'abonnant à un périodique.

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  3. De la valeur de l'information

    Quelle est l'espérance de vie des "newpapers" ? J’insiste, on parle ici des quotidiens. Luc Fayard parle du "terrible paradoxe de l’information gratuite", où la planche de leur salut semble se limiter à rendre payant l��...

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