mardi 6 septembre 2005

Cher lecteur technophile, hélas

« N’écoutant que son courage qui ne lui disait rien, il se hâta de ne rien faire… » (d’après Jules Renard)
[chronique à paraître prochainement dans un magazine]
« La vraie, la seule qualité que m’ont apportée 25 ans de pratique et de réflexion dans l’information et la technologie, une vertu que les bonnes fées avaient oubliée de déposer sur mon berceau, c’est la modestie. En matière de modestie, désormais, je ne crains personne. En tout cas, à force de voir que rien ne marche comme prévu, on finit pas être prudent. Je suis donc très étonné par l’extrème agressivité, je dirai même la prétention des blogueurs et autres tech-néophytes qui rééinventent la roue tous les jours. Une atitude qui me rappelle celle des entrepreneurs de la nouvelle économie avant l’implosion de la bulle internet. Depuis, on ne les entend plus. Disons, pour être aimable avec eux, que leur prétention est positive si elle fait avancer les choses.
Ce que je peux vous apporter ici, c’est un peu de recul, voire de hauteur. Avec le gros avantage, un avantage énorme, jubilatoire, que me donne mon statut d’observateur, c’est que, moi, à la différence d’autres émetteurs de paroles définitives intervenant ici et là, je n’ai rien à vendre.
Cette longue et douloureuse expérience m’amène seulement à quelques constats sur la technologie que je voudrais vous faire partager (quand je dis « technologie », mettons nous d’accord, je parle informatique, réseaux, internet, etc. ; bref, les T-I-C, technologies de l’information et de la communication, qui sont pleins de tics et de tiques comme on va le voir)
1/ La techno ça ne marche pas...


..., en tout cas pas comme on voudrait : il se passe toujours des choses bizarres sur votre ordinateur, votre PDA, dans votre réseau ; vous appuyez tous les jours sur les mêmes boutons pour obtenir le même résultat et un beau jour, personne ne sait pourquoi, il se passe quelque chose d’autre, d’inattendu ; c’est un peu comme si l’informatique générait sa propre entropie ; malgré l’implacable et binaire certitude du 0 et du 1, j’assimilerai davantage les TIC à la théorie des ensembles flous, voire à celle des catastrophes qu’à celle des mathématiques.
2/ Corollaire du constat précédent : la techno, personne n’y comprend rien, en tout cas globalement. Comme disait Bernard Shaw : « Les spécialistes sont des gens qui savent de plus en plus de choses dans des domaines de plus en plus restreints ; à la limite ils savent tout sur rien ». Par exemple, une hot-line n’est en général pas capable de répondre à la moité des questions que lui posent les utilisateurs. Le nombre de connexions systémiques d’un système d’information dépasse l’entendement humain. Pire que l’ADN qui prétend nous rapprocher du chimpanzé.
3/ Diffuser la techno à la vitesse où on le fait, c’est donner du lard aux cochons. Vous venez à peine de finir d’installer votre logiciel qu’on vous demande déjà de télécharger une mise à jour. La blague est connue : « Quand votre ordinateur est-il obsolète ? Le jour où vous le sortez de son emballage. »
4/ La techno, ça fait perdre du temps. En tout cas, elle mobilise du temps de compréhension, d’installation, de formation, de dépannage qui serait peut-être utilisé plus judicieusement à se parler et à s’écouter.
Bref, cher lecteur, vous m’avez compris : la techno est le pire de tous les systèmes, à l’exception de tous les autres, hélas. Bon, c’est pas tout ça mais mon PDA sonne, mes fils RSS clignotent, ma webcam s’allume, faut que j’y aille… »

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