lundi 16 mai 2005

Ce côté éjaculateur précoce de l'internaute

(re-publication, sortie des archives de mai 2005 de mon ancien blog)
Faut que ça sorte, tout de suite. Ce qu’on a à dire, ce qu’on cherche. Ce n’est pas trouver qui nous titille, c’est chercher ; le résultat, on s’en fout, on veut pouvoir surfer toujours et encore. C’est ça la dictature d’internet, cette excitation du nouveau permanent, ce sprint à l’adrénaline virtuelle. On ne lit plus vraiment, on parcours, on saute d’une accroche à l’autre, l’œil brownien, le doigt nerveux crispé sur la détente du clavier ou de la souris, on n’est plus que l’ombre de son clone, son avatar. Il paraît qu’on cherche du sens, nous dit-on mais, en fait, on n’a qu’un seul sens, une seule direction : devant, toujours plus, plus de bidules, plus de mémoires, plus de signes. "Ni à gauche, ni à droite, en avant!": c'était le slogan repris par les fascistes italiens. Nous voici adeptes de Kierkegaard, pour qui le public exige la liberté d'expression pour compenser la liberté de penser qu'il préfère éviter.
Internet c’est la sémiologie débridée, la couche superficielle du cerveau en ébriété. Un saut de haies dans le noir, chaque page, chaque lien est un obstacle qu’il faut franchir, vite, pour aller au suivant. Plus d’affect, plus de sentiments, rien que de l’énervement, de l'événement. On n’écoute que son moi intérieur, qu’une partie de son moi, celle qui vous dit : « non, ce n’est pas ça que je veux, cherche encore.. » Et on creuse, on pioche, on dépiaute, on décortique, on étale comme des trophées les lambeaux de cette chirurgie monstrueuse.
Internet, c’est la perte de l’âme, c’est le diable. Je me demandais depuis un moment comment qualifier ce nouveau comportement et je crois que j’ai trouvé : nous sommes tous des éjaculateurs précoces. Il n'y aura jamais plus d'orgasme, plus de satisfaction, rien que de l'envie, rien que de l'inassouvi. Adieu l'amour et la beauté, voici le temps bionique, le temps cybernétique où l'intelligence se mesure en taux de clics sponsorisés par les marchands du temple, ravis de l'aubaine.
C'était ma chronique "Déprime" du jour...

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