jeudi 2 mars 2006

"On est dédommagé de la perte de son innocence par celle de ses préjugés."

Je suis totalement obsédé par cette sentence de Diderot.


Pour mille raisons:


1/ S'il y a si longtemps que des gens ont tout compris, Socrate, Diderot et les autres,  c'est quoi le progrès, alors? Notamment le progrès de la pensée? De ma pensée?


2/ On ne peut pas comprendre cette phrase sans avoir dépassé un certain tournant de sa vie: c'est quand on la ressent dans sa chair et dans sa tête qu'elle fait vraiment tilt. Donc tout n'est pas compréhensible à tout moment par quiconque. Fin de l'utopie de la communication.


3/ Le cumul des ans ne m'apporte aucune expérience, parce que je découvre autant que je constate; le monde change plus vite que moi. La connaissance, c'est le volume d'une sphère qui grandit dans l'infini, l'ignorance, c'est sa surface, qui grandit aussi.


4/ Homme banal dans l'espace et dans l'histoire, c'est pourtant toujours aussi difficile pour moi de me prendre pour un grain de sable comme les autres, rien à faire: l'ego de Montaigne et de Rousseau fait partie de mes gênes. Finalement, on croit toujours que les préjugés c'est les idées des autres.


5/ La phrase de Diderot est aussi un formidable piège dialectique, celui de l'éternelle binarité: pourquoi opposer innocence et préjugés? C'est pas diabolique, ça? "On est dédommagé de la perte de son intelligence par celle de son portefeuille": ça marche aussi, non? Voire même, en restant plus proche: "On est dédommagé de la perte de son innocence par celle de ses désirs." Ou encore l'inverse: "On est dédommagé de la perte de ses désirs par celle de ses préjugés" etc.


6/ C'est un préjugé que de préjuger le mot préjugé: pourquoi le préjugé ne serait-il pas positif?


7/ Les grands penseurs ont tous dit de grandes choses: est-ce qu'un grand penseur pourrait avoir dit : "La seule règle de l'intelligence, c'est celle qui combine le paradoxe, l'humour et la poésie." ?


En attendant, c'est moi qui le dis...



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